Marcher

De l’ancien bas francique markôn : « marquer, imprimer un pas », cf. l’ancien haut allemand marcôn : « limiter, fixer, mettre des bornes » et l’ancien nordique marka : « marquer ». Le sens de base en ancien français est « fouler aux pieds ».

Non, je ne marche pas pour laisser une trace dans le sol que j’aurai décidé de fouler aux pieds, ce jour-là. Plutôt qu’abandonner un creux, j’emporte un plein. J’ai une démarche agrégative : je randonne pour remplir et marquer ma mémoire de tous les sillons que j’aurai empruntés, de tous les terrains que j’aurai arpentés, de toutes les limites que j’aurai dépassées.

Mon mode opératoire est linéaire : rien n’enflamme plus mon imagination que le tracé d’un sentier sur une carte. Plan en main, mes yeux s’embuent à la vue de toutes ces lignes grisées inondant la surface du papier. Elles s’impriment dans ma rétine, plus ou moins courbes, plus ou moins droites, et me poussent vers un nouveau voyage. Quelles couleur, matière et odeur ces lignes incarnent-elles en vérité ?

Exploratrice après-gardiste, je me suffis ainsi aux sentiers déjà tracés. Peu m’importe, je n’ai pas l’esprit première-sur-place. Le monde étant encore essentiellement inédit pour la majorité d’entre nous, autant rester humble et s’émerveiller de chaque découverte personnelle. Certes, j’aimerais beaucoup imprimer mon pas sur les particules de glace constituant les anneaux de Saturne, mais les générations futures devront étudier elles-mêmes la carte du ciel pour fouler aux pieds ce sol étranger et fixer de nouvelles bornes.

Et vous, pourquoi marchez-vous ? Déposez votre témoignage avant le 15 septembre ici.

Source : CNRTL & Littré.

Image : Solveig Placier, Portrait foulé de Justin, estampe, linogravure en taille d’épargne, 2016.