Blanc

Du germain blank : « blanc » à rattacher à l’ancien nordique blakkr : « pâle, blanc tirant sur le jaune (surtout d’un cheval) » ; le germain est directement passé dans les domaines gallo-romains (ancien provençal blanc au XIIe siècle) et italien (latin médiéval blancus, première mention en 942).

Toujours difficile de donner une définition précise du concept de couleur, à considérer avec le regard des sciences dures ou humaines. Écarté du spectre des couleurs par Newton au XVIIe siècle, le blanc est depuis réintroduit par les sciences humaines, entre autres.

L’historien Michel Pastoureau nous offre quelques éléments de compréhension du rapport de notre société occidentale au blanc. Cette couleur est utilisée dès le paléolithique, avec le rouge et le noir, dans la peinture pariétale. Très vite, un changement s’opère dans les mentalités. De pigment, le blanc devient synonyme de vide, d’absence : « Dans les sociétés anciennes, on définissait l’incolore par tout ce qui ne contenait pas de pigments. (…) C’est en faisant du papier le principal support des textes et des images que l’imprimerie a introduit une équivalence entre l’incolore et le blanc, ce dernier se voyant alors considéré comme le degré zéro de la couleur, ou comme son absence. » Et de fil en aiguille, le blanc a caractérisé une page, une voix, une balle, un chèque, et une nuit, pour, à chaque fois, en souligner leur vide ou leur absence.

C’est ainsi que la Nuit Blanche 2016 vous appelle à faire une croix sur votre sommeil. En guise d’activité de remplacement, vous êtes invités à vous exposer à l’art. Pour ce faire, porterez-vous un habit blanc ? Si oui, cette teinte se référera-t-elle à votre pureté, à votre hygiène, à votre divinité, à votre pacifisme, à votre caractère fantomatique, à votre naissance récente ou à votre mort prochaine ?

Et que penser de la couleur de notre peau ? Si les barbares germaniques caractérisaient de blank la robe de leurs chevaux, aujourd’hui, c’est la peau des Occidentaux qui est censée être blanche. Il est temps de reconsidérer cette couleur, une fois encore grâce à Michel Pastoureau qui nous dit : « Nous nous pensons innocents, purs, propres, divins parfois, et peut-être même un peu sacrés… L’homme blanc n’est pas blanc, bien sûr. Pas plus que le vin blanc. Mais nous sommes attachés à ce symbole qui flatte notre narcissisme. Les Asiatiques, eux, voient dans notre blancheur une évocation de la mort : l’homme blanc européen a un teint si morbide à leurs yeux qu’il est réputé sentir véritablement le cadavre. Chacun perçoit les autres en fonction de sa propre symbolique. En Afrique, où il est important d’avoir la peau brillante et luisante, la peau mate et sèche des Européens est vue comme maladive. »

Source : CNRTL, Michel Pastoureau, Le Petit Livre des couleurs, Paris, Éditions du Panama, 2005 et pour faire court : France Inter.

Image : Théodore Géricault, Tête de cheval blanc, H. : 0,65 m., L. : 0,54 m., Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre/A. Dequier – M. Bard.